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Passage vers l’oubli, Ted Benoît

Passage vers l’oubli est un portfolio sous forme de scénario présenté dans une boîte de bobine de film. Cette édition est scénarisée et dessinée par Ted Benoît et éditée par Ludovic Trihan. Elle est parue en 1987 en 750 exemplaires et elle se compose de 14 sérigraphies.

Ted Benoit (1947-2016) est un scénariste et dessinateur de bandes dessinées. Dans cette édition on retrouve son attrait pour les « films noirs ». Ted Benoit a d’ailleurs fait ses études à l’institut des hautes études cinématographiques et commence sa carrière en tant qu’assistant réalisateur à la télévision. Connu pour avoir repris la saga Blake et Mortimer, il est un fervent utilisateur de la ligne claire. Il publiera d’ailleurs un essai s’intitulant Vers la ligne claire en 1980. Si je fais cet aparté sur la biographie de Ted Benoît ce n’est pas juste pour l’introduire mais c’est surtout que ces éléments de sa vie se retrouve dans cette édition.

Passage vers l’oubli est une édition qui est difficilement définissable. Elle est décrite comme étant un portfolio. Elle est présentée sous forme de scénario qui serait écrit par le personnage fictif de Frank Anders. Ce scénario comprend aussi une biographie du soi-disant auteur et 14 sérigraphies qui oscille entre le scénario, le storyboard et le journal intime. Le tout étant présenter dans une boîte de bobine de film.

A sa lecture, on balance entre fiction et réalité. J’ai eu l’impression d’avoir retrouvé un projet avorté d’un homme fantôme. La biographie joue beaucoup avec ça. Elle est sensée retracer de façon relativement objective la vie de Frank Anders. Et elle réussi à nous faire croire à cet homme. Elle utilise des noms bien connu de boîte de production comme Paramount ou La Fox, et nomme des réalisateurs qui ont existé mais qui n’ont pas réalisé les films cités ou inversement.

On retrouve aussi ce balancement avec les sérigraphies. Chaque dessin est présent deux fois. Une première fois sous forme de crayonné et une seconde fois en dessin à la ligne claire. Les dessins crayonnés rappellent un peu la forme journal intime/ carnet de croquis alors que les dessins à la ligne claire font beaucoup plus pensé à un scénario ou un story-board. Ils sont tous accompagnés d’un court texte, d’une date et d’un lieu. Les textes sont anecdotiques et vacillent entre journal intime et voix off d’un film ou description d’un plan.

Ce qui m’a le plus intéressé dans cette édition c’est le rapport entre la forme et le contenu. J’aurais aimé découvrir cette édition sans connaître Ted benoît et donc, plus de croire à l’existence du personnage de Frank Anders. Ce rapport entre fiction et réalité est bien amené puisqu’à mon goût l’un ne prend pas le dessus sur l’autre. Et enfin je trouve la forme très intéressante. Elle est tellement singulière et mixte qu’elle pose des problèmes de classement et de rangement. Selon moi ce n’est pas vraiment un portefolio, mais cette édition est à l’intersections de tellement de forme qu’elle en devient difficilement classable et rangeable. Je ne saurais dire si elle a sa place dans une bibliothèque de part sa forma ronde et sa référence à la bobine de film. Et même dans une bibliothèque elle ne rentre pas vraiment dans la catégorie bande dessinée roman graphique ou quoi que ce soit d’autre. Sa forme n’est pas adaptée à la bibliothèque, elle en devient un objet non catégorisable qui se trouve à la frontière du scénario, du portfolio, de la fiction, du journal intime…

Par Chloé Klajny
Travail réalisé dans le cadre du cours d’actualité de l’édition et du multiple à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, 2020, license CC-BY-SA.