La couverture immatérielle-invisible radiations, Cécile Massart
La couverture immatérielle-invisible radiations, Cécile Massart, 2016, La compagnie du Phoenix ASBL, Bruxelles
Entre valeur artistique et valeur documentaire, cet ouvrage de Cécile Massart traite de la fragilité du vivant à la suite de l’accident de Fukushima en 2011. C’est donc cinq ans après le drame qu’elle se rend sur les lieux toujours irradiants avec cette volonté de construire des shelter-studios. Il s’agirait d’un point de rencontre afin de mettre en place une nouvelle culture, celle du nucléaire pacifique pour répondre aux attentes des gens vivant à proximité des centrales nucléaires. Elle développe ainsi un travail déjà amorcé dans diverse centrales nucléaires autour des signalétiques et des architectures du nucléaire. La communication de la centrale nucléaire comme enjeu artistique.
L’ouvrage se compose comme un carnet de route, avec divers encrages. On se déplace ainsi entre l’Europe et le Japon, entre le japonais, le français ou l’anglais, entre son atelier et la centrale, découvrant petit à petit le sens de sa pensée. Cécile Massart propose une série de dessins en techniques mixtes, de peintures, de maquettes ou de photos qui ouvre le débat afin, selon ses propres mots, de ne pas réduire la centrale nucléaire à un énorme déchet à traiter. Il s’agit, en effet, de créer un dialogue et de pousser à la réflexion tout ceux et celles en contactent avec la tragédie. Habitant.e.s des lieux, expert.e.s du nucléaire, pouvoirs publics sont ainsi convoqué.e.s à discuter autour des propositions plastiques de Cécile Massart.
Ces propositions plastiques sont issues d’un vocabulaire développé sur place comprenant à la fois des éléments traditionnels japonais comme la poterie Soma-Yaki (il s‘agit d’un patrimoine bien particulière du village de Soma, mis en péril par le drame) ou des plans de quartiers devenus fantôme (celui de Odakaku est particulièrement parlant) mais aussi une communication développé par le drame comme ces rubans qui indiquent aux ouvriers les zones à décontaminer ou non (le rose pour l’espace à décontaminer, le jaune pour l’espace dont le propriétaire refuse la décontamination).
Par ces moyens, l’ouvrage ouvre des perspectives différentes de celle qu’appelait l’urgence de la radiation. Il ne se place pas comme une réaction hostile même s’il comprend la colère, il ne cherche pas les responsables même s’ils sont nommés. Et c’est là toute la finesse de ce livre, d’à la fois aller sur le terrain pour prendre du recul et de placer cette réflexion dans un temps plus large que l’immédiateté de la catastrophe. Cécile Massart déploie avec des moyens simples, qui sont les siens, des outils pour interroger le vivant et les relations complexes entre différents acteurs, victimes et responsables.
L’ouvrage est imprimé à 350 exemplaires en offset. Bien qu’issu de presses industrielles, le livre est relié en copte à la main à Bruxelles par Junko Hayashi, relieuse basée à Bruxelles. Comme un dernier clin d’œil au Japon.
Par Antonin C. Cauwe Travail réalisé dans le cadre du cours d’actualité de l’édition et du multiple à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, 2020, license CC-BY-SA.