Chris Ware et le Fluxus. L’éditon, espace d’exposition.
Chris Ware construit des histoires avec ses lecteurs, et c’est bien souvent un des points principaux qui est relevé dans son travail (ou dévoilé dans une de ses propres BD tel que « Building Stories »: « Histoire de Gratte-Ciel »; où le mot Build fait écho en moi -construire-).
Nous avons un agencement atypique des cases, elles ne se trouvent pas dans un ordre classique de lecture. Dans un sens chaotique, la narration peut venir de droite à gauche, en diagonale, des scènes de vies qui se déroulent simultanément.
Son univers décloisonne l’illustration de ces cases bien ordonnés et organisés. Quand bien même nous avons un travail soigné et méticuleux (voir maniaque, tous ses dessins sont réalisés à la main, léché, propre).
Nous nous accorderont à dire qu’entre une BD classique et celle de l’artiste Ware, il y a un pas de géant. Complexes et souvent muettes, ces pages empreintes de dérision et de nostalgie tournaient apparemment le dos aux tendances contemporaines.
Acme Novelty Library, ( label dont de nombreuses pages de furent tirés pour être réutilisés dans RUSTY-BROWN (une de ses bd les plus connus.)) une de ses édition auto-publié, toujours dans un style bien naïf car, entre l’illustration, les cases de BD entouré par des enluminures (ou qui entourent certains textes), nous pouvons interagir avec la BD: Cases spécifiques ou l’illustrateur nous invite à découper dedans afin de la recomposer en sculpture / histoire, des typos tellement petite qu’il faudrait une loupe pour arriver à livre ce qu’il est inscrit, des puzzles de narration à décrypter, dorures sur la page de couverture...
Leurs (celles de Georges Marinas avec ses « Fluxus Boxes » ou encore « Ben « Gestes » de Ben Vautier) publications sont d’un nouveau genre, accessible, c’est la révolution de l’édition, non pas en tant que édition livre, mais bien en tant que livre d’artiste qui utilise d’autres formes que le support papier pour raconter (ou faire vivre) des histoires.
Pour s’intéresser plus particulièrement aux boîtes du Fluxus, elles se composent en plusieurs compartiments, regroupant parfois un ou plusieurs artistes (Yoko Ono, Ben Patterson, James Riddle, Paul Sharits, Bob Sheff, Stanley Vanderbeek, Ben Vautier, Robert Watts, et j’en passe) pour qui chacun dispose de son mode d’expression, qu’il soit littéraire, pictural, sculptural, graphique etc . Tel ce que peut proposer Chris Ware, il n’y a pas de narration linéaire. Nous pouvons utiliser tous nos sens, toucher, rassembler, dissocier . Autre que le regard, avec ces deux éditions (que se soit Pour celle de Chris Ware ou celle de Marciunas avec ses F.Boxes) nous nous retrouvons avec de nouveaux symboles, une nouvelle vision de l’art et de l’édition que nous construisons par nous même, grâce à l’artiste, nous avons de multiples interprétations de l’objet.
Edit DeAk et Walter Robinson, dans leur contribution à l’ouvrage The New Arts Space, publié en 1978, ont bien souligné les principaux enjeux de telles publications : « (...) le magazine en tant qu’espace d’exposition, le magazine comme lieu d’une sensibilité communautaire, le magazine indépendant du système commercial des galeries, et le contrôle par les artistes de leur propre parution dans la presse. » Alternative Periodicals p. 38-39
Et c’est bien pour cela que je me suis permise de comparer Chris Ware au Fluxus, car tous deux on su créer un nouveau mode d’expression qui soit intime, pédagogique, réflexif, original, qui sort du cadre de l’industrialisation par des dispositifs autonomes qui peut passer par l’auto-publication ou bien dans une sphère intime qui se détache des modèles préconçu des institutions.
Par HANNA Nadia-Rose
Travail réalisé dans le cadre du cours d’actualité de l’édition et du multiple à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, 2020, license CC-BY-SA.