28.05.2021
Depuis la Mésopotamie, le savoir et les récits ont majoritairement été transmis par les écrits et par l’oral. Au fil de son évolution, si ces écrits ont pendant un temps exclu une partie des populations (les illettrés), il a par la suite exclu une autre minorité : les malvoyants. Ce n’est qu’à partir du XVIIème siècle que la question d’accès à la lecture pour les malvoyants se pose. En 1670, les premiers essais naissent avec l’apparition du système Lana, une méthode d’écriture et de lecture basée sur le relief. Mais ce n’est qu’en 1829 que la méthode de lecture s’affine et connaît un véritable système rendant la lecture plus aisée et accessible grâce au braille.
Le braille est un système de lecture basé sur un sens autre que la vue : le touché. Inventé par Louis Braille, il repose sur la traduction de chaque caractère en une cellule de braille. Cette dernière est constituée d’un à six points en relief disposés en deux colonnes de trois points ; chaque point est identifié par un chiffre, de manière à ce que la première colonne donne les points un, deux et trois et la seconde colonne les points quatre, cinq et six. Le nombre de points utilisés ainsi que leur place dans la cellule donnent ainsi une lettre en minuscule ou en majuscule, un caractère particulier, un chiffre ou encore une ponctuation. Cette écriture tactile permet 63 combinaisons possibles (64 lorsque la cellule vide est considérée comme un symbole) pouvant être utilisé pour l’écriture, les mathématiques et même la musique.
Afin d’accélérer le rythme de lecture ainsi que le coût des ouvrages à produire, des abréviations sont utilisées. Ces abréviations se présentent par des symboles associés à un ou plusieurs mots et par la contraction d’un mot ou de plusieurs mots entre eux.
L'alphabet final de Louis Braille, selon Pierre Henri, 1952
Ce système d’écriture a forcé à modifier les codes classiques du livre tant dans son mode de fonctionnement que dans son mode de fabrication. Pour fabriquer un livre en braille il faut tout d’abord utiliser un papier épais afin que les aspérités soient bien marquées et ne disparaissent pas dès que le livre sera soumis à des pressions extérieures. Pour faire apparaître les reliefs sur ces pages, trois méthodes existent. La première méthode consiste à poinçonner les pages à l'aide du poinçon et d’une réglette spéciale braille. Pour cela, il faut retourner la feuille pour écrire. Les lignes de texte ainsi que les mots sont ensuite écrites de droite à gauche, pour qu’en retournant la feuille la lecture se fasse de gauche à droite. Cette méthode exclusivement manuelle permet également la création d’illustrations, pour les livres d’enfants notamment.
Le Petit prince, Saint Exupéry, traduit en braille par Claude Garrandès, 2019. source
En 1951, des machines à écrire mécaniques en braille dites Perkins sont apparus pour faciliter le système d’écriture. Ces machines sont constituées d’un clavier à six touches qui correspondent aux six points possibles ainsi que d’une barre d’espace. Pour taper une lettre, il faut appuyer simultanément sur toutes les touches nécessaires pour bâtir la lettre. Cependant, ces méthodes sont désormais obsolètes pour la fabrication de livres. Les livre en braille sont en effet réalisés de manière industrielle en recourant à une troisième méthode : l’imprimante braille. Il s’agit d’une imprimante qui, par le biais d’un logiciel, traduit un texte classique dit en « écriture noire » en texte en braille. Ce logiciel est relié à une imprimante qui poinçonne alors les pages des livres.
Livre en Braille, Maxppp / Frédéric Cirou source
Concernant la mise en page, les livres en braille sont le plus souvent de grands livres volumineux. En effet, à cause de l’écriture même du braille et pour la même quantité de texte qu’un livre en écriture noire, un livre en braille est cinq fois plus volumineux. Cette contrainte de volume a incité au fil des années à l’élaboration de liseuses et tablettes pour malvoyants ainsi qu’à l’élargissement des livres audio sur internet. Ainsi, cette forme de transmission oral qui pourrait sembler novatrice renvoie pourtant à la forme première de transmission des connaissances : la parole.
Sources utilisées :
Charlotte Renaud
Travail réalisé dans le cadre du cours d’actualité d’histoire du livre, illustration et graphisme à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, 2021.