28.05.2021
J'ai découvert ce sujet en me rendant à l’exposition “Affiches Cubaines" au musée des Arts déco à Paris l’an dernier. J’ai trouvé passionnant comment à travers la révolution politique et culturelle (cinéma principalement), Cuba s’était construit une identité graphique forte et unique.
C’est avec la période révolutionnaire sur l’île que les affiches commencent à se distinguer comme une école à part entière, avec l’interdiction de la publicité commerciale en 1961 par Che Guevara qui est alors ministre de l’Industrie. L’affiche devient alors uniquement politique et culturelle. On retrouve donc principalement des affiches dites de propagandes et des affiches de cinéma.
Alors qu’à cette époque Cuba était en opposition total avec les Etats-Unis, Findel Castro refuse de s’aligner sur le modèle communiste de l’URSS, avec ses normes graphiques rattachées à des courants comme le constructivisme et le dictat du réalisme socialiste, et il laisse une grande liberté formelle aux affichistes.
En effet on retrouve dans les inspirations de ces affiches de nombreux courants contemporains comme le pop art, le psychédélisme qu’on retrouve par exemple dans l’affiche de Che Guevara de Alfredo Rostgaard, avec cette explosion de couleurs qui semble sortir de l’étoile de son béret, ou d’autres courants comme l’affiche polonaise, le fonctionnalisme ou le modernisme.
Alfredo Rostgaard, Che Guevara, 1969
Ce qui fait aussi la spécificité de ces affiches est la sérigraphie qui a été la technique d’impression principal de toute cette période, qui donne ces rendus de couleurs très intenses et toutes en aplats. La contrainte économique et la pénurie de certaines encres à cause du blocus des Etats-Unis, a aussi joué un rôle direct dans ces affiches comme dans celle représentant Angela Davis qui a été conçue dans cette bichromie de rouge et de bleu à cause de cette contrainte matérielle.
Libertad para Angela Davies, 1971
L’affiche a donc eu un rôle politique très important, elle a été chargée de diffuser des idées de la révolution cubaine en mettant en avant ses événements et ses héros comme les plus connus Ernesto Che Guevara et Fidel Castro. Bien que ces affiches soient commanditées, elles gardent néanmoins une liberté artistique totale comme on peut le constater dans la diversité dans ces affiches.
Le cinéma a aussi été un des fers de lance de Fidel Castro qui crée l’ICAIC, l’institut cubain des arts et de l’industrie cinématographique, qui est chargé de produire des documentaires et films en rapport avec la révolution mais qui diffuse également des films du monde entier comme des films de la nouvelles vague française, des films Italiens ou encore des films d’Hitchcock.
Les affiches cinématographiques ont alors une grande liberté de ton, les graphistes ont cette volonté de rompre avec les codes américains jusqu’alors imposés, l’affiche devait présenter le portrait de l’acteur principal ou une des scènes principales du film. Ils s’affranchissent donc de tous ces codes commerciaux et produisent des affiches liées à leurs interprétations du film, ils regardent le film et en font l’illustration que celui-ci leur inspire.
L’âge d’or de l’affiche cubaine durera une vingtaine d’années et cet élan créatif va être freiné par la bureaucratisation dans les années 70. Il y a néanmoins eu une nouvelle génération vers le début du XXIème siècle qui a repris cette école cubaine de l’affiche en marchant dans les pas de leurs pairs.
On peut aussi constater que malheureusement l’affiche cubaine est très peu montrée et est souvent absente des livres sur l’histoire de l’affiche.
Sources:
Jérémie Braut
Travail réalisé dans le cadre du cours d’actualité d’histoire du livre, illustration et graphisme à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, 2021.