15.05.2020
Cette couverture d’album jeunesse est illustrée par Nathalie Parain dans les années 1930. Elle est née à Kiev en 1897. Et poursuit des étude artistiques aux Ateliers d’État de Moscou (Vkouthemas). Elle devient professeure de dessin. En 1926 elle s’installe à Paris. Inspirée par les théories constructivistes, Nathalie Parain commence une carrière dans l’illustration jeunesse. Elle a le désir de créer des livres ludiques où les enfants se trouvent actifs. Elle est publiée aux prestigieuses éditions Gallimard et Flammarion pour les albums du Père Castor. 1
Ce qui attire mon attention sur cette couverture , ce sont les couleurs vives et l’illustration très graphique, finalement très contemporaine. La typographie est épaisse et occupe une place importante. Elle semble avoir été faite en papiers découpés ce qui renvoie au thème abordé. (découpages, activités manuelles, fabrication)
L’illustration semble mêler différentes techniques : papiers découpés et texturation. On peut y voir deux jeunes filles tenant fièrement et joyeusement deux masques qu’elles ont probablement créé à partir de ce livre. C’est en quelque sorte une mise en abime des possibles masques à réaliser.
Cependant, les masques en questions relèvent d’un certain racisme. En effet, celui de droite fait référence au « Blackface ». Il renvoie au «minstrel shows» des Etats-unis ségrégationnistes. « Des acteurs blancs se peignaient le visage en noir pour interpréter des personnages caricaturaux de noirs attardés, toujours hilares et portés sur la danse et la musique. Le plus célèbre d’entre eux, interprété par l’acteur américain Thomas D. Rice, est celui de Jim Crow, un esclave noir handicapé. »2 Celui de gauche fait référence aux Geisha japonaises. Il me semble que prendre l’apparence ou s’approprier des codes culturels différents des notre, dans le but d’en rire ou de les tourner en ridicule (en amplifiant les traits du visage, de la couleur de peau etc) normalise le racisme et rappel notre passé colonialiste. De plus ces livres sont destinés aux enfants, donc à les éduquer et à reproduire ces comportements racistes. Rappelons néanmoins que cette illustration date des années 30 et que fort heureusement, depuis, de nombreuses révoltes et mouvements sociaux ont mené à la condamnation et à la pénalisation de ce genre de pratiques et comportements.
Des touches de couleurs présentes sur les personnages (noir-rouges) renvoient à la typographie (titre et informations). Les informations (maisons d’édition et « compositions de Nathalie Parain ») définissent en quelque sorte l’espace, le sol.
L’illustrateur Blexbolex (1966) semble être influencé par une illustratrice comme Nathalie Parain (1897). En effet, je retrouve quelques similitude dans l’épure des formes, les aplats de couleurs, la composition dans la page et la place importante du blanc. Il me semble également que les choix typographiques font échos aux travaux de Nathalie Parain. Ils semblent avoir été découpés dans du papier colorés et prennent une place importante au dessus des illustrations.
1 - https://www.editions-memo.fr/auteurs/parain-nathalie/ 2 - https://www.liberation.fr/checknews/2017/12/19/pourquoi-le-fait-de-se-grimer-en-noir-est-associe-a-la-pratique-raciste-du-blackface_1617742
Charlotte Gandara Espinosa
Travail réalisé dans le cadre du cours d’actualité d’histoire du livre, illustration et graphisme à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, 2020.