15.05.2020
L’Abeceda est un ouvrage collectif publié en 1926. Cet abécédaire fut d’abord un ensemble de poèmes de Vitezslav Nezval sur lequel la danseuse Milca Mayerova créa une chorégraphie qui illustrait chaque lettre. Par la suite Karel Teige et Karel Paspa en firent un livre qui présente chaque lettre de l’alphabet dans une nouvelle typographie accompagnée des poèmes Nezval et des photos de Mayerona représentant la lettre. La mise en page donne de l’espace à chaque élément, les mettant ainsi en valeur. Sur la page de gauche il y a uniquement un V, une phrase et le numéro de la page et sur la droite il y a une composition faite d’une photo et de zones géométriques noires dans lesquelles on peut également lire deux V.
Cette double page m’a touché par son coté intriguant qui nait du contraste qu’il y a entre les formes dures et le noir brut et la photo plus légère de la femme qui mime la lettre. On ressent dans un sens la structure, la force des lignes, des angles mais cette fenêtre photographique apporte un air de liberté, d’humour, d’audace et de dynamise à la composition dans son ensemble. Ce qui est aussi intéressant, c’est la compilation de différentes formes artistique qui pousse notre regard à passer d’une attitude à une autre, entre observateur des formes lecteur de poésie et spectateur de la danse. Et chaque forme artistique, graphisme, poésie, photographie et chorégraphie, se concentrent sur une même lettre, un même sujet, ce qui nous permet de passer de l’un a l’autre en observant cette « conversion » par le medium. Ce qui me plait finalement dans cette image c’est que sous un air de simplicité, élégance voir même de retenue c’est une image très vivante et dynamique qui fait passer notre œil entre ses différents niveaux. Même si l’on comprend en un regard de quoi il s’agit on peut prendre plaisir à s’y attarder.
Le livre reste une œuvre importante de l’avant-garde tchèque de l’entre deux guerres et une référence en termes de modernisme. L’idée de crée un abécédaire aussi novateur s’inscrit dans le contexte d’après la Révolution Russe et dans une volonté de créer une société nouvelle.
Je trouve que l’abécédaire est un concept assez intéressant puisque c’est un exercice qui est constamment repris et qui reflète la vision esthétique et parfois philosophique d’une personne, d’un groupe, ou même de l’esprit d’une époque. C’est un moyen d’explorer de nouvelles formes qui sera toujours renouvelé et qui continue constamment de jouer avec les codes et les catégories, les frontières entre les arts, comme avec l’architecture, le design, l’animation, la photographie, etc. Par son essence même, l’abécédaire joue avec les codes puisque les lettres y sont considérées comme l’objet central et plus comme un outil pour former un texte.
Actuellement le compte Instagram @36daysoftype est un exemple intéressant d’abécédaire qui rassemble ici les œuvres des différents artistes, et même si on y voit une grande diversité de styles, en comparant avec l’Abeceda, on voit plus que des styles différents, on ressent à travers les mêmes lettres des états d’esprits, des traitements différents, et même des époques différentes.
Zazie Zapico Vasquez
Travail réalisé dans le cadre du cours d’actualité d’histoire du livre, illustration et graphisme à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, 2020.