28.05.2021
Une gravure sur bois qui semble petite en taille mais dont le contenu est frappant : au premier plan, on voit un personnage pendu à un arbre tandis qu’un autre s’empale volontairement sur une lance. Derrière eux, il y a un personnage qui saute de la falaise. Des suicides donc mais aussi deux images qui touchent aux enfants : un avortement à l’arrière-plan et à l’avant, un infanticide à la massue. Une image saisissante de désespoir où les protagonistes prennent action dans le peu de pouvoir qu’il leur reste : la décision de vivre ou mourir. Cette gravure est ambigüe dans l’image véhiculée de ces esclaves : ils sont représentés commettant l’irréparable, ce qui peut les faire paraitre pour des monstres, mais ils sont à la fois les victimes d’un système d’esclavage contre lequel ils sont impuissants.
Cette gravure est tirée du livre de Girolamo Benzoni, La historia del mundo nuovo publié en 1572. Le livre de Benzoni a pu être publié malgré qu’il soit une forte critique du gouvernement espagnol, sûrement parce que Benzoni était citoyen italien : les monarques espagnols n’ont donc pas pu interdire la publication de son ouvrage comme ils l’ont fait pour d’autres publications de missionnaires espagnols sur la conquête du Nouveau Monde et les aspects dévastateurs de celle-ci.
Girolamo Benzoni dénonce ici ce qu’il s’est passé pour les Taïnos, un peuple des Antilles soumis aux travaux forcés jusqu’à épuisement. Malgré des essais de révoltes et de fuites, les colons espagnols rattrapaient les Taïnos, les battaient, les remettaient au travail ou les mettaient à mort. Face à cette situation qui semblait désespérée et sans issue, les Taïnos réduits en esclavage commencèrent à avorter ou à tuer leurs enfants pour faire cesser leurs souffrances. Certains avortements étaient liés aussi à des viols commis sur les femmes Taïnos par les Espagnols. Les Taïnos s’immolèrent par milliers, poussés à bout par les travaux forcés dans les mines d’or. Sous-nourris par leurs bourreaux, atteint de maladies apportées par l’envahisseur, épuisés jusqu’à la mort par le travail, le peuple Taïnos connu un génocide total. Les colons espagnols continuèrent à réduire les populations indigènes des Antilles en esclavage l’une après l’autre, jusqu’à être obligés de ramener des esclaves d’Afrique après avoir décimé une grande partie des populations locales.
Sources:
Valentine Liger
Travail réalisé dans le cadre du cours d’histoire du livre, illustration et graphisme à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles, 2021.